A-VANZAR | Le livre

( ou la dislexie résistante)

Publié aux éditions Plaine Page | 2017 | Commander

 

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Chronique & Presse :

Extrait : Diacritik – Juillet 2017

(… ) il y a bien, sous cette poésie sonore et non-narrative au sens habituel du terme, deux récits qui nous vont droit au cœur : celui du chemin de l’exil d’Espagnols, ancêtres de l’auteur peut-être, fuyant à pied, par les sentiers planqués, la guerre civile et le franquisme chez Vargas ; celui de tous les migrants fuyant famines et totalitarismes sur des canots de (mauvaise) fortune chez Lespinasse. Sombrant, se noyant.

Avec cette même impression, chez les deux auteurs, que le poète sonore est avant tout un poète muet qui parle par gestes pour arracher les événements à l’oubli ; le son, brut ou articulé, venant après, comme subordonné au corps souffrant qui tente la parole au nom de tous, de soi comme du collectif.

La provenance du silence, langue coupée dans tous les cas humains recensés, se traduit avant tout dans une forte physicalité des deux performeurs. Appuis du corps d’un pied à l’autre, dandinement et déhanché figurant marche et pénible avancée, corps qui se tord, monte sur la pointe des pieds et part en vrille chez Vargas, dont le langage s’élabore et se disloque entre chuchotement et cri, « à l’urée du mot » et de « la langue qui taille ». Une gestuelle qui ne semble pas préméditée, qui suit les mots ou leur absence, et qui épouse instinctivement toutes les fissures de la langue. Chez Lespinasse au contraire, un corps massif et planté, une présence de monolithe musical, une gestuelle très codifiée et maîtrisée, pour ainsi dire virtuose et sémantique mais jamais illustrative, plus à distance de l’émotion – du moins en apparence. « Un silence : hurle crie sa gueule grogne / un silence : arrache les oreilles hurle / un silence : cri coincé ».

Dans les deux cas, entre fragilité et force, entre le mot et le non mot, un engagement sans faille.

La faille, elle, gît dans le réel de cette double histoire tue.

Deux chants d’amour

Pour retrouver la sienne, Nicolas Vargas ânonne une bi-langue (espagnol et français) qui en créé une troisième, laquelle n’est ni l’une ni l’autre tout en étant les deux à la fois : « …appeler LLAMAR… Y AMAR… et aimer » pourrait résumer le processus si celui-ci était vraiment résumable.

Pour établir la connexion sur le chemin de la perte, de la disparition et de l’effacement de la disparition, l’auteur s’inflige une série d’injonctions dans laquelle il fait feu de tout bois pour faire verbe : « Fais-toi : secrétaire d’une crevasse / témoin du vent / ride / Fais-toi.» « Conjure ta conjugue. » « Que ta bouche s’animale / Organique tes verbes / Remets du muscle sur l’image. » « Imprime-toi / tords-toi de tout ton lexique ». Il s’agit bien, comme il le note lui-même, de « se débattre du langage » pour « qu’il crache sa faute » : silence et mutité dont il faut faire « pâte-mot », selon l’expression désormais consacrée de Christophe Tarkos. Ainsi, petit à petit et non sans heurts, le poète peut avancer vers le vide historique ; ainsi « un village se convoque autour de ta gorge elle se gouttière », et lentement « la vérité s’au tableau » alors que « tu t’à l’envers / immigré de l’immigré ».

Mais ce n’est jamais gagné, jamais saisi pour de bon, d’où l’injonction qui se future : « Tu essaieras d’avancer / pour cela : revenir / même pas : venir / avancer. Avancer décidément. / Va voir. / Va. / Voir. / l’avant que ça bouge / quand tout était là-bas » …

Ici c’est le choc des mots, des cultures, les pieds ont passé la montagne, alors on ne sort de ses poches que la langue aveugle des fils d’immigrés.

Projets autour de la racine, sondage de la mémoire muette, celle qui tape en dessous.

Déclinaison d’une phrase fantasmée, ce qu’elle contient dans ses traductions, ses synonymes, ses faux-jumeaux…

Performance réalisée avec Ludovic Pautier en mano à mano ou avec Sébastien Tillous (batterie,Korg).

Fichier audio avec Sébatien Tillous très bientôt disponible ici…

Ce projet est le prémbule au dossier CAPILLA, réalisé avec Jésus Aured.